C'est un sujet de société : le monde du travail tel qu'il nous a été vendu pendant notre enfance et nos études n'est clairement pas à la hauteur de nos ambitions. Et il est encore moins à la hauteur des défis qui attendent l'humanité.

Le système étant ce qu'il est, il est donc très tentant d'envoyer tout ch*er et de se mettre à son compte !

Cela fait bien longtemps que ce n'est plus l'apanage de quelques cinglés : j'ai démarré en même temps que d'autres, certains sont encore là, d'autres ont arrêté, des nouveaux arrivent et plein d'autres y songent.

Cela fait maintenant 5ans que j'ai sauté le pas. Et j'en tire quelques réflexions et conseils que je vais déposer ici. En vrac (pour l'instant)

Quelles alternatives au statut d'Auto-Entrepreneur ?

Déjà soyons clairs : quelles étaient les alternatives et pourquoi ça n'était pas pour moi ?

Les alternatives qui ne me vont pas :

• Le black. En soi, on peut bosser au noir sans déclarer ses revenus. Fiscalement c'est la panacée : 1€ gagné c'est 1€ dans ta poche.
  MAIS
  Quand tu bosses avec de "vraies" entreprises en face, eux, ils veulent des factures pour déclarer ça dans leurs charges et baisser leurs impôts.
  Tu passes de "pas beaucoup" à "zéro" protection. Alors une fois de temps en temps pour filer un coup de main pourquoi pas. Mais ça reste ULTRA anecdotique.
• Le portage. En gros une entreprise te prend en CDI et te donne accès à des services support : une gestion de la compta, potentiellement des leads etc. et toi tu bosses en autonomie avec tes clients. Là c'est pas mal pcq tu gardes les avantages du CDI et donc tu cotises encore à tout ce qu'il faut.
  MAIS
  Franchement, déjà filer une partie de mes revenus à l'état, vu le gouvernement actuel, ça ne me fait pas rêver. Mais donner à une entreprise juste pour éviter de remplir un formulaire URSSAF tous les mois : non merci.
• L'intrapreneuriat. Et oui, après tout il est possible de trouver une entreprise qui te donnera les mains libres pour monter des projets et t'aider à les mettre en œuvre. A priori que des avantages : un statut solide (Le sacro-saint CDI), des avantages comme un salaire fixe, des tickets restau, un CE etc. etc. etc.
  MAIS
  À la fin, ce n'est pas ton entreprise. Tu ne seras JAMAIS rétribué à la hauteur de ton boulot. Bin oui, faut bien que ton boss marge sur toi, si tu lui coûtes plus que ce que tu lui rapportes, il te vire, c'est tout le principe. Et justement s’ils veulent te dégager du jour au lendemain : tchao ! Et tu n'auras que tes yeux pour pleurer.

Les alternatives qui ne me vont pas POUR L'INSTANT :

• La Coopérative d'Entrepreneur. Alors là, pour le coup ça aurait pu me plaire si j'y avais pensé plus tôt. On est très proche du portage comme au-dessus avec un changement fondamental : l'entreprise qui te porte tu en es associé en mode coopérative (1 associé = 1 voix). Et ça change tout à mon avis.
  Maintenant que j'ai mes clients et que tout tourne bien, je ne vois pas l'intérêt d'en rejoindre une. Par contre en créer une avec de futurs associés ? Franchement pourquoi pas !
• La SASU, Société par Actions Simplifié Unilatérale. C'est en gros la "vraie" entreprise grande sœur de l'auto entrepreneur. Présentée comme la "suite logique" au statut d'autoentrepreneur : elle permet de faire plus de choses mais a aussi beaucoup de contraintes.
  Je me suis mis des indicateurs que je surveille une à deux fois par an pour voir si je dois où non changer vers ce statut. Et pour l'instant c'est clair : AUCUN INTERET.

Auto-entrepreneur : Le statut parfait ?

Ah ah, certainement pas. Mais, il a pas mal d'avantages :

1. C'est simple et rapide. Tout se fait sur internet, tu te déclares, tu reçois ton SIRET et hop c'est parti !
2. Ça ne coûte pas cher. Tu payes l'URSSAF qui est un pourcentage de ton CA. Il suffit de le prévoir à l'avance : pas de surprise et pas besoin de comptable. OK il y a la CFE et d'autres petites joyeusetés comme la complémentaire et l'assurance à payer. Mais c'est complètement soutenable si tu as un modèle économique qui tient debout.
3. C'est compatible avec l'ARE (Le chômage). Moi par exemple mon CDI précédent s'est soldé par une rupture de période d'essai à l'initiative de l'entreprise (oui, je me suis fait virer 😎) et j'avais largement assez cotisé pour avoir le droit à mes deux ans d'allocation chômage. Le total de ces deux ans peut-être vu comme une cagnotte de sécurité. Chaque mois je déclare à France Travail combien j'ai fait de CA et si ce CA est inférieur à ce que j'aurais touché avec l'ARE : ils complètent. Et si il reste des sous à la fin des deux ans ? On continue jusqu'à ce qu'il n'y ai plus de sous. Moi par exemple au bout de 5 ans il me reste encore une petite moitié de mes droits. Le filet de sécurité est toujours là !

Voilà, si tu veux te lancer, ça devrait suffire à te convaincre de choisir ce statut. Tu deviens ton propre patron en quelques clics.

Elle est où l'arnaque ?

Et bien, il y a des points faibles :

• Tu ne cotises plus à l'assurance chômage. C’est-à-dire que peu importe combien tu vas rapporter à l'état, tes droits ne bougeront plus. Si tu t'arrêtes pour x ou y raison : tu n'auras pas plus de droit qu'avant.
  Imaginons que tu n'as jamais cotisé et qu'ensuite tu passes 3 ans en AE et que tu t'arrêtes : tu n’auras pas de chômage.
• Tu ne cotises presque pas pour la retraite. Admettons que notre génération finisse par arriver à une retraite : tu auras tes trimestres si tu as fait un CA minimum mais la valeur du point est ridiculement petite.
• Tu ne déclares pas tes charges. Ce point est fondamental. Une entreprise "classique" est imposée sur son résultat (ce qui rentre - ce qui sort). C'est le B-A BA de l'optimisation fiscale : si tu ne fais pas de bénéfice pcq tu as tout claqué alors tu ne paies pas d'impôt.
  En AE : l'URSSAF, les plafonds et l'impôt sur le revenu sont calculés sur ton CA (A un abattement près pour l'IR), peu importe combien tu as dépensé pour ta mission.
• Tu es tout seul et tu dois le rester. C'est une conséquence directe du point précédent. Officiellement par exemple tu peux embaucher, tu as le droit.
  MAIS
  Imaginons que tu acceptes une mission à 50k€ qui demande le travail de deux personnes. Si tu donnes 20k€ à la personne avec laquelle tu bosses et 10k€ pour acheter une super machine ça ne baisse pas ton CA. Donc tu paieras l'URSSAF et l'IR sur les 50k€. Là où pour une entreprise "normale" ça ne serait que sur les 20k€ qu'il te reste.
  Et c'est chiant de payer autant sur des sommes que tu n'as pas touchés ! Sans compter que tu vas exploser tes plafonds pour rien.

Les faux problèmes

J'en parle ici pcq j'ai l'impression que ça revient TOUT LE TEMPS dans les conversations.

Tu es tout seul et tu dois le rester

Ouais OK, c'est moi qui viens de le dire. Mais en fait ce n'est pas tout à fait vrai. Je bosse tout le temps avec d'autres auto-entrepreurs. C'est juste que tout le monde envoie sa facture à la fin et le client nous paye séparément.
Il n'y a pas de lien de subordination entre nous et alors ? C'est aussi sain comme ça.

Les plafonds t'empêchent de gagner beaucoup d'argent !

Alors oui, il y a des plafonds. Mais pour moi qui fais de la vente de service, le plafond est à 77 700 €. Moins les bientôt 26% d'URSSAF ça fait presque 57 500€ soit presque 5 000€ par mois net dans ta poche.
ET ENCORE ! Il faut dépasser ce plafond deux ans d'affilée avant d'être obligé de changer de statut. Alors soyons honnêtes. Si tu penses que c'est vraiment limitant pour toi :

• Très bien, tu as des problèmes de riches.
• Rien ne t'empêche de profiter deux ans.

De mon côté je serais RAVIS de changer de status pcq je gagne trop de sous ! 💸💸💸

Tu ne peux pas faire de prêt immobilier !

Alors, clairement, dès que tu sors du CDI tu n'es plus dans les petits papiers du banquier. Ma banque m'a même complètement ghosté quand je leur ai parlé de mon projet d'achat immobilier (Coucou la Banque Postale 💩).
Mais c'est un bon test pour voir si tu as un conseiller robot (qui ne peut prendre AUCUNE décision, qui suit juste les consignes à la lettre et qui sera bientôt remplacé par une IA) ou si tu as un vrai conseiller.

J'ai fini par trouver une banque avec laquelle on a pu discuter. Ils m'ont posé des questions sur mon activité, mes clients etc. Et ils ont fini par m'accorder un prêt à un taux très honnête (Merci le Crédit Agricole).

Donc bref, rien d'impossible. Mais faut se sortir un peu les doigts, ça tombe bien tu es à ton compte !

C'est un statut précaire mal considéré

Alors statistiquement c'est vrai. Quelques statistiques en 2019 par l'insee en France :

• Un micro-entrepreneur sur deux gagne moins de 330 € par mois
• Un quart des micro-entrepreneurs se retirent plus de 830 euros par mois

(Sources : https://www.insee.fr/fr/statistiques/7665324)

En fait ce qui se passe c'est que les patrons ont trouvé une super idée : demander à leurs potentiels employés de prendre le statut. Comme ça plus besoin de leur payer une protection sociale ni de s'engager. (Coucou Uber, Deliveroo,Wecasa etc. Super-article à ce sujet : https://medium.com/wecasa-fr/travailleurs-de-plateforme-de-lesclavage-moderne-8dce703ca04b)

Et il y a aussi un bon tiers des AE qui font ça à côté de leur job et non comme une activité à temps plein.